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Point de vue : Le paysage est malheureusement épuisé !
Onze hectares de terrains sont artificialisés chaque jour en Bavière pour les constructions et les infrastructures de transports, soit environ 3 940 hectares d’espaces libres irrémédiablement perdus par an. Que l’on puisse ou non imaginer ce que cela représente en terme de superficie, une chose est aujourd’hui claire pour tout le monde : il ne peut pas y avoir de croissance infinie dans un système fini. Quand tout cela va-t-il donc s’arrêter ? Quand le dernier coin de terre libre sera goudronné et que l’Europe ne sera plus qu’une grande métropole ? Cela peut sembler exagéré, mais nous ne devons pas perdre de vue à quel type d’évolution nous avons à faire ici.
Face à cette consommation massive des sols, la protection du paysage alpin ne peut plus se concentrer uniquement sur les espaces protégés en haute montagne. Ces processus d’aménagement insidieux doivent être freinés le plus vite possible, et devront être stoppés à un moment ou à un autre, en particulier dans les zones de vallées, où les surfaces utilisables sont limitées. Ces deux dernières années, la CIPRA a travaillé intensivement sur le thème du paysage dans le cadre de son focus thématique. L’arrêt de la consommation des sols fait partie de ses revendications. Si on ne cherche plus qu’à utiliser les terres de la manière la plus rentable possible, à un moment donné, il n’y aura plus de paysages.
Devant l’artificialisation rapide des sols et ses effets négatifs, notamment sur le régime hydrologique, la biodiversité, le climat, la qualité de l’air ou la qualité de vie, il n’y a plus guère d’expert·e·s qui ne tirent pas la sonnette d’alarme. Dans sa stratégie pour l’utilisation des ressources, l’UE s’est même fixé pour objectif de stopper complètement l’augmentation de la surface des terres occupées d’ici à 2050.
L’aménagement du territoire est sans aucun doute le secteur le plus susceptible d’intervenir dans ces évolutions. Pour cela, il doit cependant disposer de compétences bien définies, d’un personnel suffisant, de connaissances, de ressources financières et d’un soutien politique inconditionnel. Ce n’est malheureusement pas le cas dans l’Arc alpin, et la liste des exemples positifs ne va pas au-delà de quelques approches isolées (zones d’urbanisation prioritaires, plans de sauvegarde des terres agricoles ou déclassement de terrains constructibles, par exemple).
À l’instar de la protection du climat et des espèces, nous devons participer activement à la protection des paysages, et demander aux responsables politiques de prendre des décisions cohérentes. « Nous », c’est-à-dire les organisations de la société civile telles que la CIPRA, mais aussi tous·tes les citoyen·ne·s responsables qui ne sont pas indifférent·e·s à ce qui se passe dans notre paysage. Les générations futures ne doivent pas être mises devant le fait accompli, mais doivent pouvoir décider elles-mêmes comment elles veulent gérer les paysages. Dans le pire des cas, sinon, il faudra dire dans quelques décennies : le paysage est malheureusement épuisé !