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Élections européennes de 2024 : pourquoi un Suisse aimerait voter

23/04/2024 / Kaspar Schuler, CIPRA International
La démocratie directe de la Suisse, basée sur le référendum, a ses propres écueils lorsqu’il s’agit de politique environnementale et climatique, estime Kaspar Schuler – en tant que Suisse et directeur de CIPRA International.
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Kaspar Schuler est suisse et directeur de CIPRA International (c) Julian Konrad

Dois-je m’exprimer en tant que Suisse sur les élections parlementaires européennes ? Alors que je vis dans la meilleure des démocraties, comme on me le suggère souvent. Ici, chaque nouvelle loi votée au Parlement peut être remise en question par 50 000 signatures authentifiées via un référendum. Regardons-y de plus près : jusqu’en 2022, sur 207 référendums suisses, 120 ont été approuvés et 87 rejetés. Parmi tant de négation du travail parlementaire préalable, il y avait aussi des demandes raisonnables. Une loi sur la protection du climat efficace, comportant également des mesures désagréables, a été perdue en 2021 avec 52% de non. Seule une version complètement édulcorée a été approuvée. Désormais, les subventions doivent indiquer une voie à suivre de plein gré pour sortir de la crise climatique.

Cet exemple montre qu’ici aussi, nous sommes manipulables, que la plupart d’entre nous sont plutôt conservateurs et rarement progressistes. Sur un point central, vous avez toutefois dans l’Union européenne une longueur d’avance sur nous : les États-membres qui glissent vers l’autocratie sont rappelés à l’ordre et, si nécessaire, mis devant leurs responsabilités démocratiques. En revanche, la Suisse ne connaît pas à ce jour de cour constitutionnelle, ce qui ouvre la porte à l’arbitraire parlementaire. Ceci explique pourquoi à la fin 2023, le Parlement a pu adopter, quasiment sans opposition, une nouvelle loi sur l’électricité qui déréglemente largement la protection de la nature et des eaux, ainsi que l’aménagement du territoire. La nouvelle logique écologique est la suivante : priorité à la production d’électricité renouvelable au détriment de la protection de la nature et des paysages. Faute d’une cour constitutionnelle, cette grave réorientation ne peut pas être contrôlée par la justice. Il ne restait plus à quelques irréductibles amoureux de la nature que la possibilité de recourir au référendum. Mais est-il judicieux de laisser la population se prononcer définitivement par un OUI ou un NON sur une question aussi exigeante ? Ne serait-il pas plus approprié d’équilibrer les intérêts en présence en faisant appel à des juristes avisé·e·s ?

Heureusement il existe une autre Cour qui n’est pas liée à l’Union européenne, mais à l’esprit d’union des peuples de l’Europe : la Cour européenne des droits de l’homme. Elle a récemment rendu justice en matière de politique climatique. Grâce à elle, plus de deux mille cinq cents irréductibles Aînées suisses ont trouvé audience, par leur action, pour une meilleure protection du climat. La Suisse a encore beaucoup à faire pour sa survie future. La démarche droite de ces femmes et leur saisine d’une instance juridictionnelle suprême, nous renforcent maintenant tou·te·s, au-delà de la Suisse. La protection du climat est un droit humain ! Cela me semble tellement évident que nous devrions également aborder la préservation de la biodiversité – et donc de nos propres bases vitales – dans l’esprit des droits de l’homme. Au-delà des vanités nationales, des rancœurs nationalistes et des crêtes alpines. Enfin, le plus pacifique de tous les accords internationaux que je connaisse exhale cet esprit de coopération : la Convention alpine.

Vous voyez, les parties de l’Europe qui nous unissent me tiennent à cœur. Elles constituent notre Maison commune, avec tout ce qui y pousse et y grouille. Parce qu’en tant que Suisse, je peux encore aujourd’hui vous rencontrer et développer la protection des Alpes, mais pas participer politiquement à l’Europe. Voici ma prière : Allez voter ! Avec la volonté d’une démocratie vécue en commun, post-nationaliste, d’une démocratie conciliante et contestataire.

Et – j’allais oublier : si un jour, en Suisse, nous parvenons à nous allier avec vous, au lieu de nous déchirer entre nous dans des référendums, accueillez-nous, en riant de bon cœur s’il vous plaît !

Mots-clés associés : Point de vue, alpMedia 3/2024