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Point de vue : Pour un changement culturel dans le trafic de transit
Lorsqu’on parle du trafic de transit, on pense aux émissions de CO2, aux autoroutes implantées au cœur de paysages alpins et à des discussions politiques sans fin. Pourtant, le commerce transalpin, et donc le trafic de transit à travers la région alpine, est aussi ancien que l’histoire du peuplement des Alpes, et a eu une influence fondamentale sur le développement culturel et sociétal de l’Arc alpin. Le trafic de transit a aussi des aspects positifs, lorsque les agglomérations et les territoires situés le long des axes de commerce en profitent.
Petit retour en arrière : en favorisant la transmission des savoirs, l’innovation technologique et le développement culturel et sociétal, le commerce a joué un rôle fondamental dans l’émergence des civilisations. Cela a été longtemps vrai aussi pour le commerce à travers les Alpes, et donc pour le trafic de transit, qui existe depuis des siècles. Malheureusement, ce n’est plus vrai pour le trafic de transit actuel.
Un regard sur le volume du fret livre des éléments d’explication : à la fin du XVe siècle, le volume de marchandises transitant par l’axe du Brenner s’élevait à 4 500 tonnes par an. Les villages situés le long des routes commerciales ont profité du point de vue économique, mais aussi culturel, de ces échanges. 500 ans plus tard, 51 millions de tonnes transitent chaque année par ce passage alpin. Les profits sont réalisés ailleurs, en tout cas pas dans les vallées traversées par le trafic. Ce n’est pas uniquement lié au fait que le caractère du trafic de transit a beaucoup changé, tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif (véhicules, longueur des itinéraires, vitesse, etc.) : contrairement à ce qui se passait autrefois, les régions concernées par le trafic de transit n’ont pratiquement plus aucune possibilité d’intervenir directement dans ces échanges commerciaux et d’y participer. Ces flux de marchandises destinés à améliorer la compétitivité mondiale des grandes métropoles européennes situées au nord et au sud des Alpes précipitent les régions alpines concernées dans un désastre écologique et économique.
La nouvelle directive Eurovignette de l’Union européenne aurait eu le potentiel d’améliorer durablement cette situation. Les coûts externes engendrés par le transport routier de marchandises, par exemple ceux liés au bruit, sont au moins en partie à la charge du pollueur, et les territoires sensibles tels que les régions de montagne pourraient appliquer des majorations de péage. Le transport des marchandises par le rail aurait une opportunité de récupérer d’anciennes parts de marché : les gigantesques tunnels ferroviaires percés à travers les Alpes à coup de milliards d’investissements doivent être utilisés. Or, ce qui devait arriver arriva : dans la dernière ligne droite du processus de concertation politique, le projet de directive ambitieux a été amplement dilué. Aujourd’hui, la version proposée au vote n’est plus qu’une version très édulcorée. Interdictions de circulation, limitation du nombre de camions par heure, et en dernier recours blocus : les régions alpines concernées n’ont pratiquement pas d’autre choix que de recourir à de telles mesures souvent difficiles à imposer sur le plan juridique, et peu susceptibles de réduire durablement le fret routier. Il reste à espérer que le dernier mot n’a pas encore été dit.