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Point de vue : Ne jouez pas avec notre avenir !
Été 2018. Je surplombe le glacier supérieur de Grindelwald, autrefois si étendu. Des larmes coulent sur mon visage.
Depuis ma naissance, le glacier a reculé de plusieurs kilomètres. Il est le témoin des conséquences bien réelles de chacune de nos décisions politiques et privées – et de leur caractère irréversible.
Qu’il s’agisse du changement climatique, de la protection des espèces ou de la conservation des habitats naturels, chaque décision prise aujourd’hui accroît ou réduit inéluctablement la marge de manœuvre des générations futures.
Chaque gramme de CO2 que la génération actuelle de décideurs n’économise pas aujourd’hui aggrave les conséquences pour ma génération. Chaque nouveau projet de construction approuvé aujourd’hui au détriment d’une réserve naturelle restreint notre liberté de vivre un avenir différent et plus écologique dans les Alpes.
Je suis convaincue que c’est dans le domaine du développement durable que ces décisions sont les plus importantes.
Non pas que les décisions économiques ne jouent aucun rôle : au contraire. Mais qu’elles soient bonnes ou mauvaises, elles ne nous seront d’aucune utilité si nous avons détruit le fondement de notre vie : un environnement intact. La dégradation de l’environnement et les changements climatiques aggravent tous les autres problèmes. Nous devons nous engager sérieusement dans une transformation durable de notre société.
Les dilemmes immanents au développement durable le prouvent : il ne suffit pas de rendre notre société « un peu plus soutenable » dans certains domaines, en continuant à adhérer à des croyances et des principes qui ne le sont pas, comme la croissance infinie ou la primauté de l’économie sur la société et l’environnement.
Nous pouvons par exemple lutter contre le changement climatique en utilisant des énergies renouvelables. Mais si, en même temps, nous ne remettons pas fondamentalement en question nos modes de vie énergivores, cela ne fera qu’aggraver les problèmes des ressources et la destruction de l’environnement.
Nous avons besoin d’un nouveau mode de société, assorti d’une autre forme d’économie.
Si nous ne voulons pas devoir expliquer un jour à nos enfants que nous sommes restés passifs, que nous n’avons rien fait, ou pas assez, alors que nous savions très bien ce qui allait se passer, nous devons changer radicalement notre société. Et nous devons le faire maintenant. Les territoires alpins peuvent jouer un rôle de pionnier dans ce domaine, en facilitant l’expérimentation d’autres formes d’activité économique et de vivre ensemble.
La transition vers une société soutenable pourrait en effet apporter aussi une réponse à la crise que connaissent de nombreuses vallées alpines face au départ et au vieillissement de leur population. Au lieu des nouvelles technologies et de la croissance économique, la solution pourrait être dans les deux cas de promouvoir l’intelligence sociale, d’affermir le vivre ensemble et de renforcer les structures locales.
Nous pouvons aussi considérer la crise environnementale que nous traversons comme une opportunité : une opportunité de coopérer, d’expérimenter de nouvelles voies et de nous développer en tant que société. Pour les glaciers, ce changement arrive trop tard. Mais nous pouvons faire en sorte que nos décisions d’aujourd’hui n’entraînent pas irrévocablement la disparition d’autres choses.
Sources et informations complémentaires :
www.ipcc.ch/sr15/chapter/chapter-3/ (en), www.ipcc.ch/sr15/chapter/2-0/ (en), http://science.sciencemag.org/content/358/6370/1610 (en), https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1543691/ (en), www.cipra.org/de/dossiers/2
Jackson, T. (2009). Prosperity without growth: Economics for a finite planet. Routledge.
Forster, S. (2017). Innerhofer, E., & Pechlaner, H. (Eds.), Schrumpfung und Rückbau: Berggebietsentwicklung in der Schweiz und im Kanton Graubünden – Abschied von der Wachstumsidee. München: oekom Verlag.