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Une commune renonce à l’électricité d’origine nucléaire

21/12/2007 / Christine Keck
Arno Zengerle, maire de Wildpoldsried im Allgäu et conférencier invité à la conférence annuelle de la CIPRA à Saint-Vincent, connaît en tant que spécialiste de l’énergie la force des visions fortes. Sous la devise « WIR », Wildpoldsried, innovativ, richtungsweisend (« NOUS », Wildpoldsried, innovateurs, précurseurs), sa commune se positionne en faveur des énergies renouvelables et des économies d’énergie ; elle ne consomme d’ailleurs que la moitié de son courant produit de manière écologique. Le 3ème rapport alpin, « Nous les Alpes ! », consacre un reportage au village et à son maire. Morceaux choisis.
Zengerle
Image caption:
Détente à côté des eaux usées : le maire Arno Zengerle est assis au milieu de sa station d’épuration par lagunage et filtrage végétal aménagée en espace de promenade. L’élu aime des projets insolites et a du flair pour dénicher les subventions. © Heinz Heiss / Zeitenspiegel
Ce que Wendelin Einsiedler redoute le plus, c’est l’immobilité. « Il faut qu’elles se remettent en route » crie le « paysan du vent » en trépignant dans son bureau. Dehors les branches cassent, tout est en mouvement par cette matinée de tempête, sauf ses géants blancs. Les éoliennes se sont arrêtées lors des rafales pour ne pas se briser comme des arbres.
De son ordinateur, Wendelin Einsiedler règne sur dix éoliennes. D’une frappe, il remet en circulation les pales de rotor, longues comme deux semi-remorques. Clic, Haarberg Nord, sur la colline voisine, tourne à nouveau. Clic, Langenberg redémarre. La tempête a chamboulé le programme de la journée de cet homme de l’Allgäu. Camion et excavatrice l’attendent. Cet homme de 51 ans aux cheveux ébouriffés doit se rendre aux chantiers de ses deux nouvelles éoliennes. Une botte de caoutchouc déjà enfilée, il bouscule son frère : « Franz, Haarberg Sud est à nouveau arrêtée. Vas-y, toi ! ».
Le pape du vent, comme l’appelle ses amis, a donné un élan écologique à Wildpoldsried. En matière de protection du climat, ce village de 2500 âmes joue en première division ; il a déjà réalisé depuis longtemps ce dont d’autres ne font que parler depuis des années. La commune produit elle-même deux fois plus de courant que ce dont elle a besoin. Les habitants de Wildpoldsried obtiennent de l’énergie à partir des matières premières offertes par la nature dans cette région de Bavière : le vent, qui souffle fort dans cette zone préalpine, le bois des sapinières, le soleil qui brille ici 1755 heures par an, la verdure dont les agriculteurs tirent du biogaz. Même la force du ruisseau du village n’est pas perdue.
Une commune entière se déclare débarrassée de l’énergie nucléaire. Pourtant beaucoup s’opposent à l’étiquette d’ « alternatifs » avec véhémence. Au conseil municipal, il n’y a aucun Vert. L’ancienne boutique bio a éliminé le « bio » de son assortiment depuis des années. Cette nourriture saine était trop chère pour les habitants toujours économes de l’Allgäu. La conscience écologique n’est pas leur première motivation. Sinon ils viseraient davantage la règle suprême d’une politique énergétique viable : d’abord économiser l’énergie là où c’est possible, ensuite voir comment fournir l’énergie encore nécessaire. Pour les habitants de Wildpoldsried, le développement des sources d’énergie renouvelables est avant tout une ques-tion d’argent. « C’est rentable », est le principe le plus important de la politique énergétique de la commune. « Les installations photovoltaïques sur les édifices publics ont rapporté à elles seules 50.000 euros l’an passé », dit le maire Arno Zengerle. Sans la protection des monuments historiques, les habitants de Wildpoldsried auraient même flanqué des capteurs solaires sur l’église historique du village.

Un chauffage 100% bavarois
« Nous avons beaucoup de bois en Bavière », dit Arno Zengerle pour propager l’idée d’un chauffage communal aux granulés de bois. Un bon plan de gestion valait mieux qu’abondance de mots. Ce fut le meilleur argument. L’installation a coûté un demi-million d’euros et économise presque 150 000 litres de mazout et 470 tonnes de dioxyde de carbone par an. C’est ce que raconte Sigmund Hartmann à tous ceux qui viennent le voir à la chaufferie sous la salle communale.
On peut lire sur son visage que l’installation est toute sa fierté. Ce fondeur d’acier retraité de 66 ans a même participé à son financement personnellement. Le chauffage pompe la chaleur dans les tuyaux souterrains qui aboutissent à la mairie et au gymnase. Celles et ceux qui vont à l’église ont bien chaud, et la famille Hartmann aussi, dans sa maison. Dix-neuf bâtiments publics et privés sont branchés sur le réseau de chauffage de proximité. « Comme projet collectif, c’est rentable », assure le gardien du chauffage qui, de toute façon, aurait dû investir dans une nouvelle installa­tion tandis que, maintenant, il économise environ 300 euros par an. Comme beaucoup d’autres au vil-lage, il a aussi des panneaux solaires thermiques sur son toit pour l’eau chaude. L’abandon du mazout était important pour Sigmund Hartmann. D’abord parce que désormais, ça pue moins dans la cave, deuxièmement parce que c’est moins cher et troisièmement : « parce que Straubing est plus près que l’Arabie Saoudite », dit-il.

Une montgolfière débusque les gaspilleurs d’énergie
Wildpoldsried est maintenant connu bien au-delà de la région comme le prouvent les messages écrits dans le livre d’or de la commune : du Japon ou du lac de Constance, du parti des Verts ou des rangs des sympathisants de la CSU, ceux qui viennent sou­haitent s’inspirer du village de l’énergie. Le maire aime bien raconter aux visiteurs la manière inhabituelle dont il a fait campagne pour la rénovation des bâtiments vétustes. Un film a été tourné en plein hiver à partir d’une montgolfière. Le premier rôle était tenu par les toits. S’il y avait encore de la neige dessus, l’isolation était bonne ; si la blancheur avait déjà fondu, cela voulait dire pour le propriétaire : ici on chauffe le ciel. Le grand problème des bâtiments anciens gaspilleurs d’énergie n’existe pas seulement à Wildpoldsried. Ils con-somment 20 à 25 litres de mazout par mètre carré de surface habitable par an. Cela peut être réduit à trois litres ou encore moins, grâce aux techniques modernes d’isolation, d’aération et de chauffage. Cet inves­tissement est payant à long terme vu l’augmentation du prix du mazout.

Tous les chemins mènent à Rome
« Il n’y a pas qu’une seule et unique voie pour la protection du climat », dit Arno Zengerle dans son bureau de la mairie, tout en feuilletant une épaisse pile de papier, un catalogue d’exemples particuliers issus de nombreux pays. « Nous ap-prenons des autres. » Doit-on éteindre les réverbères la nuit ? Peut-on extraire de la chaleur des eaux usées des installations industrielles ? Arno Zengerle a reçu ce catalogue du Centre de l’Energie et de l’Environnement de l’Allgäu (eza !) dont le siège est à Kempten, et qui accompagne la commune depuis des années. Les conseillers donnent des tuyaux, élucident les points faibles. Et ils poussent les habitants de Wildpoldsried à améliorer leur gestion communale de l’énergie.
Cela semble compliqué ; c’est pourtant si simple ! Des employés de la commune ont contrôlé tous les mois la consommation de mazout, d’électricité et d’eau du jardin d’enfants, de l’école, de la mairie et de la caserne des pompiers. On repéra vite les dévoreurs de courant en relevant les appareils de mesure : au jardin d’enfants, les chauffe-eau étaient en position maximum - un gaspillage d’énergie évitable. A la caserne des pompiers, le chauffage marchait même en été à cause d’une valve non étanche. Personne ne l’avait remarqué. La gestion de l’énergie qui s’avère très rentable pour Wildpoldsried comporte non seulement la saisie des données mais aussi la formation de la gar­dienne et un réglage optimal de l’installation. Le village a économisé 6.300 euros pendant les deux ans et demi de la durée du projet. Arno Zengerle aime en faire la preuve à l’aide de la calculatrice solaire qu’il sort du tiroir du bureau.
La veille au soir, il a rencontré la nouvelle équipe énergie de la commune. Elle comprend le pape du vent, des agriculteurs, une biologiste du bâtiment, un informaticien spécialisé et une employée de l’administration qui se retrouvent tous ensemble à la mairie après le travail. Ils notent à l’aide d’une check-list ce que leur village a atteint jusqu’à présent. Combien de courant, de mazout, de carburant consomme-t-on dans la localité ? Combien en produit-on ? Où en sont les transports en commun de proximité et le réseau des pistes cyclables ? La protection du climat est elle ancrée dans le document d’urbanisme communal?
Le maire n’aime pas travailler à coup de directives et l’index levé. Mais il voudrait démontrer, avec les données énergétiques privées de son foyer de cinq person­nes, qu’on peut fortement diminuer une consommation élevée par des mesures d’économie ciblées sans perte en qualité d’habitat et de vie. Il cherche dans ce but d’autres familles modèles. Voilà sa toute dernière idée. Depuis le sèche-linge jusqu’aux ampoules électriques, tout est noté. Avec l’aide d’un conseiller, on cherche ensuite les potentiels d’économie.
Chez le maire, c’est vite trouvé : sa grosse BMW ou une de ses motos. Par contre, il ne possède pas de bicyclette. Si on lui en parle, le fan des véhicules rapides prend la tangente. Non, pas question pour lui d’une petite auto qui ne consomme que trois litres ; déjà, il roule au diesel.
Mots-clés associés : Efficacité énergétique