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Fromages, biodiversité culturelle et patrimoine

20/03/2008 / Philippe Marchenay
A partir du lait, il existe une multitude de fabrications, de variantes, sous-tendues par des pratiques innombrables, exercées dans des conditions environnementales particulières. Ces interactions donnent leur originalité aux fromages alpins. Les acteurs principaux de cette synergie complexe sont le végétal, l’animal, l’écosystème microbien… et l’homme.
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Chaque variété de fromage résulte de conditions particulières qui influencent le goût. © Francesco Pastorelli
Les systcmes fromagers modclent et entretiennent les paysages, via l'activité pastorale, support de leur existence. Car les pratiques d'élevage sont aussi étroitement liées à des savoirs sur la nature et l'environnement.

Concurrence pour l'espace
La lutte contre l'enfrichement des prairies d'altitude est un problcme bien réel. L'instabilité actuelle du couvert végétal est révélatrice de la fragilité du systcme d'exploitation et de la désorganisation du mode de gestion communautaire, aggravée par une concurrence pour l'espace. Car la spéculation foncicre réduit un peu plus chaque année les terrains disponibles dans les parties basses des communes. Aujourd'hui, dans un contexte favorable à leur conservation, les races domestiques animales locales - bovines principalement - prennent de plus en plus d'importance dans les appellations d'origine fromagcres. La diversité des milieux et des modes de production dans les Alpes donne une importance toute particulicre à cette question. Abondance et tarine continuent d'être les vedettes, toutefois, leur existence ne se trouve pas en péril. En revanche, des races locales à trcs petits effectifs, menacées de disparition, peuvent connaître un sort heureux par leur réintroduction et réactivation dans certaines filicres fromagcres.

Normes sanitaires et productions locales
Importants supports de la diversité microbienne, les fromages hébergent une quantité impressionnante de microorganismes. Laits, levains, sel ou saumure, planches d'affinage ou vaisselle en bois, atmosphcre des locaux favorisent leur multiplication. Beaucoup de ces microorganismes sont apportés par la flore naturelle du lait, ressource biologique capitale qui fait partie intégrante des éléments du terroir. Les normes sanitaires perturbent souvent les processus de fermentation et d'affinage, clefs de voûte de la spécificité pour une grande partie des fromages traditionnels. Il en va ainsi de l'interdiction de l'usage du bois, dont le rôle commence pourtant à être reconnu. L'obligation d'utiliser des produits détergents provoque un appauvrissement de plus en plus marqué du lait en micro-organismes, à tel point que certains professionnels le qualifient aujourd'hui de " lait mort ".

Penser l'agriculture autrement
L'Appellation d'origine contrôlée permet de penser différemment le développement agricole. Ce sont les pratiques et usages locaux associés à des conditions naturelles particulicres qui sont mis en avant pour identifier et maintenir la spécificité d'un produit. Les races locales forment une picce maîtresse dans des modcles agricoles paradoxalement innovants. Aprcs avoir longtemps mené un combat jugé d'arricregarde, les défenseurs déterminés de schémas de développement plus respectueux de l'environnement rejoignent les précurseurs d'une nouvelle agriculture. Le beaufort, le reblochon ou le persillé des Aravis sont l'aboutissement d'une accumulation de savoirs, de pratiques, d'observations, d'ajustements qui passent par une race, un paysage, des pratiques spécifiques d'élevage comme l'inalpage. Tous ces éléments relcvent d'un patrimoine propre à chaque lieu qui se nourrit de l'histoire des hommes et de leur mémoire et continue d'être modelé par eux.