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De la maison au paysage

20/07/2018
Un bâtiment peut être un lieu de production, une habitation, offrir un toit à des marchandises ou être l’emblème d’un paysage. La rénovation et la construction écologiques remplissent-elles une fonction différente dans les Alpes et hors des Alpes ? Qu’est-ce qui a changé au cours des dernières années ? Köbi Gantenbein, président du jury, dresse le bilan du concours d’architecture « Constructive Alps ».
Image caption:
Certificat mention très bien pour l’architecture de l’ècole primaire de Brand/A. © Caroline Begle/CIPRA International

En construisant de façon soutenable, on ralentit le changement climatique. Mais comment parvenir à parler le même langage en matière de développement soutenable depuis la Slovénie jusqu’à la France? Comment établir une mesure adéquate de ce qui est « soutenable » en architecture ? Le jury du concours d’architecture « Constructive Alps » (voir encadré) considéra l’énergie comme une donnée plutôt facile à comparer en mesurant les KWh/(m2a), soit kilowatt heure par mètre carré et par an. En parcourant les candidatures des quatre éditions du concours déposées depuis sept ans, on constate une augmentation du nombre de bâtiments pour lesquels les architectes et ingénieurs obtiennent des indices de consommation énergétique très bas. De plus en plus de bâtiments sont construits avec des installations techniques qui les transforment en centrales énergétiques ; ils produisent plus d’énergie que ce dont ils ont besoin pour fonctionner. L’indicateur de consommation énergétique fut pour le jury - qui resta identique pour les quatre éditions du concours - un fil conducteur juste et important. En liant celui-ci à d’autres critères tels que la qualité esthétique des bâtiments, leur utilité sociale ou leur pertinence économique, il est possible de faire un choix parmi des bâtiments ayant tous des performances énergétiques excellentes. Les critères qui permettent d’adopter une approche soutenable de la construction sont valables partout, et il est nécessaire de construire de cette façon partout, afin de ralentir, si ce n’est d’arrêter le changement climatique. Se pose donc la question : qu’est-ce qui est différent en matière de rénovation et de construction dans les Alpes par rapport à d’autres régions ?

L’espace alpin est un espace de vie
Tout d’abord, le jury est attentif aux constructions qui contribuent à renforcer l’espace rural. A chaque édition, il a pu honorer le chapitre « Renaissance du village » grâce à des bâtiments publics bien conçus pour servir d’école, de maternelle, et renforcer l’esprit musical et sportif local. Le soin apporté aux villages, ces espaces de vie de taille modeste, se renforce et s’exprime à travers une architecture fière et réussie. L’espace rural dans les Alpes est typique, beau et soigné. Le jury porte également son attention aux bâtiments à vocation touristique, ce secteur étant un pilier de l’économie alpine. De nombreuses larmes d’architectes peuvent encore être versées dans ce secteur, même lorsque les performances énergétiques sont correctes. Toutefois, des hôteliers engagés et hors-norme prouvent qu’il est possible de concilier les bonnes affaires avec une bonne performance énergétique dans de beaux bâtiments. Notons par exemple que le Club Alpin Suisse CAS à souvent été primé pour des bâtiments touristiques exceptionnels dans toutes les Alpes, du refuge du Mont Rose, en passant par Moiry, Terri, Clariden et jusqu’à la cabane Rambert. Ce n’est pas un hasard, mais plutôt une stratégie exemplaire d’une institution qui souhaite continuer à valoriser son héritage. La générosité du Jury facilite cela en acceptant que des vols en hélicoptères, nuisibles au climat, soient indispensables à la construction et à la gestion de ces sites.

Beauté et quali té de vie
Une dernière observation : en 2010, la première année, une bonne douzaine de contributions du Vorarlberg avaient été retenues pour le deuxième tour. A chaque édition du concours, le jury a analysé plusieurs centaines d’objets au premier tour pour choisir une bonne trentaine de bâtiments à visiter sur place, afin d’échanger avec les maîtres d’oeuvre, les architectes et les occupants. En 2017, cinq exemples proviennent encore de la région située entre le Bregenzerwald et la vallée du Rhin, dont le centre scolaire de Brand en première place. Cela signifie d’abord que le Vorarlberg est le centre de la rénovation et de la construction écologique et esthétique. Deuxièment, la répartition des objets de qualité s’élargit allant de l’office du tourisme de Rinka en Slovénie, premier prix en 2013, à la maison culturelle de Cles dans les Alpes italiennes, prix de reconnaissance 2017. Par ailleurs, les architectes et maîtres d’oeuvre du canton suisse des Grisons sont toujours bien représentés. « Constructive Alps » a orchestré à quatre reprises le prix de beauté pour des bâtiments alpins qui devaient leur grande qualité à leur caractère « soutenable » ; le concours était complété par une exposition itinérante circulant depuis la Slovénie jusqu’à la France pour promouvoir une architecture climato-compatible et de qualité. Restons modestes à l’heure du bilan : l’architecture ne peux pas faire grand chose face aux grands problèmes climatiques des Alpes. Le trafic de transit augmente et se soucie aussi peu d’une architecture de qualité que de l’incapacité à lutter contre la diminution dramatique de la biodiversité dans les Alpes. Le bilan suscite également l’espoir : une agriculture fière et renaissante dans les Alpes, un tourisme raisonnable car conçu avec soin, des services et infrastructures publics justes et fiables – que ce soit pour la mobilité, la culture ou l’alimentation - sont décisifs pour la beauté et la qualité de vie de l’espace rural alpin. Une architecture de qualité y contribue par des bâtiments soutenables, beaux, utiles et typés.

Mots-clés associés : Constructive Alps, Alpenscène